43e Apéro scientifique sur la sécurité sismique en Suisse

La sécurité sismique des bâtiments – un thème en Suisse aussi

3 juin 2010 | CORNELIA ZOGG
Bien qu’en Suisse le risque de tremblements de terre de forte magnitude soit considéré comme modéré, l’histoire montre que dans notre pays aussi de forts séismes peuvent se produire. Et cela alors que rares sont les bâtiments qui résisteraient sans dommages à un tel sinistre. Lors de cet Apéro scientifiques, des spécialistes ont montré ce qu’il est possible de faire pour prémunir les bâtiments contre ces catastrophes.
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Carte des risques sismiques de la Suisse (Source: EPF Zurich, Service sismologique suisse)
 

En guise d’ouverture, Donat Fäh du Service sismologique suisse, s’est fait quelque peu rassurant : «En Suisse, chaque génération n’est pas touchée par un fort tremblement de terre». Pourtant de forts séismes, tels que ceux qui se sont produits à Bâle en 1356 ou encore à Viège en 1855, avec des magnitudes de six et presque sept sur l’échelle de Richter, et qui ont provoqués des dégâts considérables, peuvent se produire en tout temps. Cela parce que la rencontre des plaques tectoniques provoque sous la Suisse aussi des tensions dont la libération engendre des séismes. Les régions à risque sont avant tout celles de Bâle et du Haut-Valais. Le Service sismologique enregistre chaque jour plusieurs petits tremblements de terre qui ne sont pas perceptibles ni dangereux pour l’homme. Et pourtant, comme l’explique Fäh, on peut s’attendre à ce qu’un fort tremblement de terre se produise au Valais dans les 20 à 30 prochaines années.

 
Le public de près de deux cent personnes s’intéressait donc bien évidemment avant tout aux mesures possibles pour protéger les nouveaux immeubles mais aussi en bâtiments existants. «Lors d’un tremblement de terre tel que celui de Viège, l’amplitude des mouvements horizontaux du sol atteint 10 centimètres», explique Hugo Bachmann, professeur émérite de l’EPFZ et président de la Fondation pour la dynamique des structures et le génie parasismique. «Les fondations sont contraintes de suivre ces mouvements». Et si la partie supérieure du bâtiment ne possède pas une résistance sismique suffisante, elle s’effondre. Deux possibilités s’offrent pour l’éviter, soit renforcer le bâtiment, soit «l’assouplir»; des méthodes totalement différentes mais qui fonctionnent toutes deux.
 

La solution: renforcer ou assouplir
Avec le renforcement, le bâtiment est contraint de suivre les mouvements sismiques. Pour cela, il faut le rigidifier, de préférence avec des parois de béton armé, d’une largeur de deux à trois mètres, disposées perpendiculairement entre elles et continues depuis les fondations jusqu’au dernier étage. Ceci confère à la construction une stabilité suffisante pour empêcher son effondrement en cas de séisme. En effet, le risque d’effondrement est majeur principalement lorsque des murs verticaux continus manquent dans une partie de l’immeuble. En cas de séisme, ces «étages mous», qui supportent plusieurs étages au-dessus d’eux par des piliers ou des colonnes, ne sont pas en mesure de soutenir l’ensemble du bâtiment.

 

 
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Vue du hall de l’hôtel Azadi à Téhéran: Afin d’assurer la sécurité antisismique de cet hôtel de 28 étages, ses piliers en béton armé de dix mètre de hauteur ont été enveloppés de bandages de CFC.

 

 
Au lieu de transformer totalement le bâtiment, on peut aussi, comme l’explique Bachmann, «assouplir» ses fondations. Pour cela, les murs extérieurs du sous-sol sont coupés horizontalement au dessous du sol pour placer ensuite à distance régulière dans l’espace ainsi ménagé des disques de caoutchouc d’un diamètre d’environ cinquante centimètres. En cas de tremblement de terre, ces appuis élastiques amortissent les mouvements horizontaux du sol et la partie supérieure du bâtiment reste alors stable.
 

Un développement de l’Empa
Les composites renforcés de fibres de carbone (CFC) offrent une autre possibilité fort prometteuse pour le renforcement parasismique des bâtiments existants. Ce procédé, développé par l’Empa, est utilisé dans le monde entier pour prévenir l’effondrement des bâtiments, comme l’explique Masoud Motavalli du laboratoire Ingénierie des structures de l’Empa. Les CFC sont, par exemple, fixés sous forme de bandages autour des piliers porteurs pour les stabiliser. En cas de tremblement de terre, les charges des étages sus-jacents viennent s’applique sur les piliers. Souvent ces piliers ne sont pas en mesure de supporter ces charges, ils se fissurent et se fragilisent pour finir par se rompre. Les bandages de fibres de carbone appliqués sur les piliers sont en mesure de prévenir cette ruine. Sous charge, ils créent dans les piliers une contrainte interne qui leur confère automatiquement une stabilité plus élevée et empêche leur effondrement. Cette méthode permet aussi de stabiliser les parois.

 

 
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Montage de câbles en CFC installés sur la façade du bâtiment administratif de l’Empa en 2008 pour son renforcement antisismique.


L’équipe de Motavalli travaille encore sur d’autres solutions pour assurer la sécurité parasismique des bâtiments. Ces chercheurs placent en particulier de grands espoirs dans les alliages dits à mémoire de forme – autrement dit ces alliages que l’on peut déformer à volonté et qui retrouvent leur forme initiale lorsqu’ils sont chauffés. Ces matériaux pourraient s’utiliser par exemple pour le renforcement de piliers porteurs. En particulier lors des incendies – qui souvent aussi suivent les tremblements de terre – ils pourraient aider les structures à conserver leur capacité portante sous ces sollicitations thermiques élevées.

 

 

Alors que ce serait si simple ….
Ce 43e Apéro scientifique l’a donc démontré : il existe différentes possibilités, en majeure partie fort simples, de se prémunir contre les risques d’un tremblement de terre qui, selon Fäh, se produira certainement un jour ou l’autre. Des modifications simples et peu compliquées à réaliser permettent d’empêcher des effondrements. Malgré cela, actuellement toutes les constructions nouvelles ne sont pas automatiquement sûres sur le plan sismique. «Les normes de construction n’ont pas suffisamment de force obligatoire, elles ne sont pas toujours respectées» commente Hugo Bachmann. Ce n’est qu’à Bâle et en Valais qu’elles sont appliquées avec conséquence. Cela alors que la sécurité sismique sur un bâtiment neuf n’exerce guère d’influence sur son coût. Comme le déclare Bachmann: «Les coûts supplémentaires sont faibles, ils se situent entre zéro et un pour-cent du coût total de la construction.


Cornelia Zogg